Malformation cardiaque et grossesse : est-ce une mort maternelle ?

Il y a quelques années, je reçois une de mes collègues gynéco m’a référée une patiente de 32 ans désireuse d’avoir une deuxième grossesse (nous appellerons cette patiente, Manuella). 

Ce n’est pas surprenant que les cardiologues consultent des femmes enceintes, les raisons peuvent être multiples : le cœur de l’enfant bat trop vite (on veut s’assurer qu’il n’y a pas de malformation). La patiente enceinte est hypertendue (on craint une éclampsie) ou son cœur s’affaiblit brusquement. Du fait que le cœur travaille trop pour soutenir la maman et le bébé (insuffisance cardiaque avec suspicion de cardiomyopathie du post partum).

Ici, le cas était différent : le mari de Manuella ne voulait pas qu’elle ait un deuxième enfant. Car il avait peur que le cœur de son épouse ne supporte pas le travail de l’accouchement.

Peut-on détecter une malformation cardiaque durant la grossesse ? 

En effet, Manuella est née avec une malformation cardiaque : petite, elle était chétive, renfermée dans son coin, ne pouvant pas courir, jouer avec les autres enfants, car son cœur se fatiguait vite. Elle ne pouvait même pas faire les tâches domestiques avec ses frères et sœurs le weekend. Elle avait souvent des bronchites à répétition et dormait parfois avec deux oreillers pour mieux respirer pendant son sommeil.

Jusque-là, le diagnostic n’avait jamais été posé, elle n’a jamais eu de suivi par un médecin. Elle a grandi, a fait des études de droit, s’est mariée et est tombée enceinte de son premier enfant. C’était une grossesse particulièrement difficile et à l’accouchement « elle a failli y passer » me disait son époux, l’air effaré. Après son premier accouchement, Manuella était toujours aussi fatiguée, essoufflée, affaiblie. 

C’est à cette occasion que sa gynéco me l’a envoyée pour la première fois et le diagnostic de Communication interauriculaire restrictive a été posé à l’âge de 30 ans !!!!!!! 

Elle a été mise sous traitement et a recouvré une meilleure santé. Je l’ai ensuite perdue de vue. « Pas de nouvelles, bonnes nouvelles » dit-on. Je ne pense pas que ce dicton s’applique à la relation médecin-patient, surtout quand il est question de maladies chroniques avec des traitements au long cours.

La prise en charge d’une patiente enceinte atteinte de malformation 

Nous voilà donc, deux ans plus tard, Manuella déterminée à avoir son deuxième bébé malgré l’état de son cœur ! 

Permettez-moi de continuer de vous relater  la consultation avec Manuella et son mari : au bout de quelques minutes, le téléphone de ce dernier a sonné et il est sorti pour répondre.

Manuella m’annonce alors ceci : « j’ai fait mon test de grossesse il y a 2 semaines, il est positif. Mon mari ne le sait pas encore. Il est hors de question que j’avorte. » C’est alors que le mari revient dans mon bureau et Manuella se tait.

Ne pouvant donner un avis formel à l’instant, je prescris des bilans pour réévaluer le cœur de Manuella.

Après avoir réévalué le cœur de Manuella, je me suis rendue compte que même si je ne l’avais pas vue depuis deux ans, elle prenait correctement son traitement et sa malformation ne s’était pas aggravée.

La communication interauriculaire est un trou entre les deux oreillettes permettant le passage du sang et le mélange entre sang oxygéné et non oxygéné. 

Chez Manuella, le trou était très petit. C’est pourquoi, malgré quelques malaises respiratoires à l’effort pendant son enfance, la maladie est passée inaperçue et elle supportait sans traitement tant qu’elle ne faisait pas de gros effort. D’où le diagnostic très tardif à l’âge de 30 ans. 

 Son premier accouchement (étant un gros effort nécessitant que son cœur malade pompe davantage de sang) a permis de révéler la maladie. 

La question était donc la suivante : avec un traitement médical et une prise en charge rigoureuse cardio et gynéco (consultations rapprochées, bilans réguliers), Manuella peut-elle s’en sortir ? La réponse était OUI.

C’est ainsi que nous avons rassuré le mari de Manuella et l’avons suivie de manière pluridisciplinaire. Manuella a accouché d’un beau garçon de 2,7 kg. 

Bien sûr, cela s’est fait par césarienne pour éviter à son cœur de faire des efforts. Aujourd’hui, elle et son mari sont des parents comblés de 2 enfants bien portants. Elle envisage d’ailleurs le recours à la chirurgie cardiaque pour fermer cette communication interauriculaire. Tout est bien qui finit bien.

Conclusion 

À travers cette petite histoire, il faut retenir l’importance de bien se faire suivre par un médecin afin d’éviter ces complications. Certes, il y a des malformations et même d’autres maladies qu’on ne peut pas détecter aussitôt. Cela dit, vous devez toujours prendre soin de vous en allant régulièrement faire un bilan de santé. 

La grossesse est le moment de donner la vie, mais le risque de perdre la sienne est malheureusement présent. Alors, en tant que future maman responsable, il faut scrupuleusement respecter les visites prénatales chez son gynécologue. 

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